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Publié le 01-06-2011 - MAJ le 25-06-2013 - Par Séverine et Hubert - 1 commentaire(s)
Ataxie, Génétique, SCA, Recherche fondamentale
Entretien avec Giovanni Stévanin, Directeur de recherches à l’INSERM et professeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes
Giovanni Stévanin est un chercheur renommé, en particulier pour ces travaux sur l’ataxie spinocérébelleuse. Il est aussi un scientifique communiquant qui sait avec enthousiasme et simplicité, nous expliquer les secrets de la vie. Les équipes de Giovanni collaborent avec CSC depuis de nombreuses années et notre soutien financier a permis à ses équipes de progresser dans la compréhension de certaines de nos maladies. Séverine et Hubert ont eu la chance de pouvoir l’interviewer au nom de CSC. Découvrez son travail passionnant !
Hubert Boeuf (HB) : Être chercheur c'est se poser beaucoup de questions et tout mettre en oeuvre pour trouver des réponses. C'est faire des hypothèses et les vérifier.
Dans le cas des SCA, la 1ère hypothèse c'est : est-ce génétique ? Puis il faut trouver le gène. Puis, pourquoi est-il anormal ? Pourquoi produit-il une protéine anomale ? Quel est son rôle et pourquoi est-elle toxique pour les neurones du cervelet et pas pour Les cellules du foie ou du coeur ?
Giovanni Stévanin (GS) : C'est exact lorsque l'on travaille sur des formes familiales. La 1ère chose à faire est d'identifier le gène en cause et l'anomalie qui s'y trouve. Ensuite, pour avancer sur une SCA en particulier, le chercheur fait la synthèse de ce qui est connu sur la maladie et le gène en cause et fait des hypothèses. Elles sont discutées par l'équipe au sein du Laboratoire de recherches. Toutes les hypothèses sont classées par priorités et faisabilités (éthiques, techniques, humaines et financières). Le travail consistera à vérifier si les hypothèses avancées sont conformes à ce que l'équipe avait prévu.
Dans le cas des SCA, maladies neurodégénératives du cervelet, ce sont les neurones du cervelet qui se détruisent. Comment travailler dessus puisqu'ils ne sont pas accessibles du vivant du malade ? Quand on travaille sur les formes familiales (héréditaires et génétiques), on a un léger avantage par rapport aux formes sporadiques, car on peut identifier la cause initiale une anomalie sur un
chromosome (une mutation). On pourra donc reproduire la maladie dans des modèles. Grace à la connaissance de L'anomalie chromosomique, nous fabriquons par génie génétique des modèles animaux (souris, poisson zèbre, drosophile) porteurs de la maladie humaine.
Nous travaillons aussi sur les neurones de personnes qui à leur décès ont fait don de leur cerveau pour la recherche.
Depuis peu, nous cultivons également les cellules de la peau (fibroblastes) des malades que nous avons dans notre banque. Les chercheurs peuvent faire se développer ces fibroblastes de façon très similaire à celui des neurones. C'est un modèle plus proche de la maladie humaine.
Nous pouvons ainsi comparer les observations faites sur le modèle animal, sur le cerveau postmortem et sur les fibroblastes humains; en particulier lorsque l'on teste des molécules médicaments sur ces modèles.
HB : Les dons post-mortem de cerveaux ont-ils toujours leur utilité ?
GS : Oui, ils sont indispensables. Tout comme les fibroblastes et les modèles animaux. Tous les modèles sont complémentaires, car aucun n'est parfait. L'analyse du cerveau humain post-mortem est indispensable mais c'est une fenêtre figée sur un stade ultime de la maladie. Le cerveau des souris n'est pas parfaitement identique à celui de l'homme, même si c'est proche. Le poisson zèbre est un autre modèle qui permet de voir certaines choses, plutôt pendant le développement. Le modèle drosophile, c'est la mouche du vinaigre, le 1er modèle du généticien depuis des siècles. On crée souvent la maladie dans l'oeil de la drosophile, puis on essaye de trouver des gènes qui modifient la maladie qu'on a créée dans l'oeil et qui pourraient donc être des gènes intéressants à tester chez l'homme pour modifier la présentation clinique.
En d'autres termes, on fait s'exprimer une protéine SCA anormale avec une expansion de glutamine. La drosophile va développer la maladie dans le cerveau et dans les yeux. Le généticien adore quand c'est dans les yeux parce que c'est facile à observer et on n'a pas besoin d'ouvrir son cerveau de mouche... si petit... Une fois qu'on a créé ce modèle, en général avec une déstructuration et une décoloration de l'oeil, on fait des croisements de ces drosophiles SCA avec d'autres drosophiles mutantes ayant des anomalies dans d'autres gènes. Il existe des collections de drosophiles avec des mutations dans tous les gènes. La plupart du temps, il ne va rien se passer et l'anomalie de l'oeil va rester. Le gène anormal SCA est toujours présent, il donne la protéine anormale qui provoque la formation des agrégats. Mais parfois, le croisement avec ces mutants va provoquer une aggravation de la maladie dans l'oeil : la maladie vient plus tôt, ou bien elle est plus grave ; on peut même avoir une réversion, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de maladie d'oeil. Cela signifie que nous avons touché à des gènes qui ont un rapport avec ce qui se passe dans la maladie SCA que l'on teste. Soit il s'agit d'un gène qui travaille dans la même fonction biologique que le gène SCA, soit c'est un gène qui, lorsqu'il est déficient (muté) travaille pour désagréger des agrégats par ex. C'est important car on tourne autour du processus biologique qui existe dans la drosophile modèle et peut-être chez l'Homme.
Je dis « peut-être » parce que c'est un modèle qu'on a créé. Or tous les résultats doivent être vérifiés, chez la souris puis chez l'Homme. Ce gène qu'on a identifié comme modificateur de la maladie, s'exprime peut-être dans les cellules qui dégénèrent chez l'Homme ? La protéine fabriquée à partir de ce gène est peut-être à l'intérieur des agrégats ? Il faut vérifier tout cela dans les cerveaux post-mortem de souris et d'hommes. D'où l'importance du don de cerveau.
Puis, on peut essayer de comprendre comment cela marche en jouant sur le niveau d'expression de la protéine qui est fabriquée à partir de ce gène. Pour cela, on utilise des cultures cellulaires in vitro car c'est plus facile.
Je dis « peut-être » parce que c'est un modèle qu'on a créé. Or tous les résultats doivent être vérifiés, chez la souris puis chez l'Homme. Ce gène qu'on a identifié comme modificateur de la maladie, s'exprime peut-être dans les cellules qui dégénèrent chez l'Homme ? La protéine fabriquée à partir de ce gène est peut-être à l'intérieur des agrégats ? Il faut vérifier tout cela dans les cerveaux post-mortem de souris et d'hommes. D'où l'importance du don de cerveau.
Puis, on peut essayer de comprendre comment cela marche en jouant sur le niveau d'expression de la protéine qui est fabriquée à partir de ce gène. Pour cela, on utilise des cultures cellulaires in vitro car c'est plus facile.
Séverine De Villaret (SDV) : Comment modifiez-vous le niveau d'expression d'un gène?
GS : Le plus simple pour expliquer, c'est le cas où l'on utilise un virus. On remplace les mauvais gènes du virus (ceux qui font qu'il est infectieux) par le gène que l'on veut faire exprimer, par exemple un gène de SCA ou un de ces gènes modificateurs. On infecte la cellule avec ce nouveau virus. La cellule va intégrer ce virus et le gène va être reconnu comme un gène de la cellule. La cellule va fabriquer la protéine à partir de ce gène. Donc on aura des protéines qui seront fabriquées à partir du génome et des chromosomes humains, mais en plus, des protéines fabriquées à partir de ce virus.
HB : Les virus sont les camions qui portent la marchandise à l'intérieur de la cellule.
GS : Oui. Parfois, on n'a pas besoin d'utiliser ces vecteurs viraux ou « camions ». C'est notamment le cas
pour les ADN antisens qui sont des morceaux de gènes si petits qu'ils diffusent facilement lorsqu'on les injecte dans le cerveau ou dans le liquide céphalorachidien.
Ils sont antisens : ce sont comme des négatifs des gènes, ils annulent l'expression du gène SCA, ce qui pourrait empêcher la toxicité d'apparaître. C'est une approche que nous souhaitons tester pour traiter les SCA 1, 2, 3, 6, 7, 17.
Sandro Alves travaille sur les SCA dominantes depuis plus de 5 ans.
pour les ADN antisens qui sont des morceaux de gènes si petits qu'ils diffusent facilement lorsqu'on les injecte dans le cerveau ou dans le liquide céphalorachidien.
Ils sont antisens : ce sont comme des négatifs des gènes, ils annulent l'expression du gène SCA, ce qui pourrait empêcher la toxicité d'apparaître. C'est une approche que nous souhaitons tester pour traiter les SCA 1, 2, 3, 6, 7, 17.
Sandro Alves travaille sur les SCA dominantes depuis plus de 5 ans.
Auparavant, sur la SCA 3, la forme la plus fréquente des SCA dominantes, et désormais sur la SCA 7 car c'est le gène qui a été identifié dans notre équipe. Il est en train de faire la preuve d'une voie thérapeutique sur SCA7 qui pourrait ensuite être appliquée à d'autres formes de SCA dominantes, dues au même type de mutations (les expansions de triplets CAG, ou de glutamines dans la protéine). L'idée est ensuite de repasser sur SCA3, la forme la plus fréquente.
Attention ! Nous ne travaillons pas sur la SCA7 uniquement pour guérir la SCA7. C'est une forme très rare mais idéale pour valider notre hypothèse car la maladie est sévère. On peut donc très vite observer une amélioration ou une aggravation chez les animaux malades. L'étude sur la forme SCA7 est une étude pilote pour toutes les autres SCA dominantes: SCA 1, 2, 3, 6, 7, 17.
GS : Je précise que quand la SCA7 touche les enfants, c'est mortel avant 12 ans. Parfois à 3 mois. Le pire, c'est que le parent porteur de la SCA7 peut ne pas encore présenter les signes cliniques alors que son enfant décède de la SCA 7. C'est ce qu'on appelle le phénomène d'anticipation, la maladie devient de plus en plus grave de génération en génération, débutant à un âge de plus en plus précoce.
HB : C'est vrai pour la SCA7. Pour la SCA 3, ça rajeunit avec les générations, mais ça n'arrive pas à des personnes mineures.
GS: C'est rare effectivement, car ça ne bouge pas beaucoup dans la SCA 3. La mutation du gène change en taille. C'est un triplet de molécules (C, A, G) et le nombre de répétitions de C, A, G, C, A, G etc... dans l'ADN, dans les chromosomes, augmente en taille. Au lieu d'y avoir 40 répétions, cela va passer à 42, 43 etc... et parfois ça diminue, ça bouge. C'est ce qu'on appelle des mutations dynamiques qui ne se transmettent pas toujours à la même taille.
HB : C'est pour cela que, lorsqu'au sein d'une même famille il y a plusieurs personnes touchées, on peut avoir L'impression de se trouver en face de plusieurs maladies différentes.
Débats lors de la Journée Internationale se sensibilisation sur l'Ataxie (25 sept. 2012)
HB : Revenons sur la SCA7. L'ataxie SCA7 est celle pour laquelle la rétine est la plus touchée, or la rétine est un tissu très intéressant pour les biologistes. C'est aussi La raison pour laquelle votre équipe a choisi la SCA7.
GS : Oui, c'est un tissu facile d'accès. On peut difficilement accéder au système nerveux qui est touché chez les patients. Difficile d'aller injecter dans le cerveau. On peut le faire, on a des moyens, mais ensuite, c'est difficilement applicable chez l'homme. Ca le sera, mais c'est en cours de test.
Par contre, la rétine, c'est facile. La rétine qui tapisse le fond de l'oeil, c'est du système nerveux, c'est des neurones comme les autres. C'est une réalité de dire que la rétine est une fenêtre ouverte sur le système nerveux. On peut injecter très facilement, en sous-rétinien, des virus, des ADN antisens, ou bien des molécules. Cette approche est déjà utilisée en pratique clinique chez l'Homme, pour traiter des affections virales rétiniennes chez les patients atteints de sida. On les traite par injection d'ADN antisens contre le virus et cela empêche que ce virus se propage et détruise les cellules rétiniennes. En plus, L'injection rétinienne est un geste simple, qui n'est pas trop invasif.
Par contre, la rétine, c'est facile. La rétine qui tapisse le fond de l'oeil, c'est du système nerveux, c'est des neurones comme les autres. C'est une réalité de dire que la rétine est une fenêtre ouverte sur le système nerveux. On peut injecter très facilement, en sous-rétinien, des virus, des ADN antisens, ou bien des molécules. Cette approche est déjà utilisée en pratique clinique chez l'Homme, pour traiter des affections virales rétiniennes chez les patients atteints de sida. On les traite par injection d'ADN antisens contre le virus et cela empêche que ce virus se propage et détruise les cellules rétiniennes. En plus, L'injection rétinienne est un geste simple, qui n'est pas trop invasif.
HB : C'est moins invasif que d'aller planter quelque chose dans le cervelet.
GS : L'idée n'est pas nécessairement d'aller planter quelque chose dans le cervelet pour traiter le cervelet. Sandro teste justement différentes voies d'accès, comme Le Liquide céphalo-rachidien. C'est ce liquide dans lequel le cerveau et la moelle épinière baignent, un peu comme si c'était de l'huile pour les protéger des chocs. L'idée serait d'introduire une canule dans Le liquide céphalo-rachidien qui déverserait régulièrement ces ADN antisens.
HB : La canule existe déjà pour les enfants ou les adultes qui ont des hypersécrétions de liquide céphalo-rachidien.
GS : Oui, pour retirer du liquide. Dans le cas des ataxies, cela serait une petite pompe qui injecte des microlitres par jour de ces petits ADN antisens.
L'objectif de Sandro est de développer une stratégie thérapeutique visant à réduire les effets du gène SCÂ7 dans la production de la protéine malade (ATXN7) grâce à des ADN antisens. Nous visons à diminuer la production de La protéine anormale.
L'objectif de Sandro est de développer une stratégie thérapeutique visant à réduire les effets du gène SCÂ7 dans la production de la protéine malade (ATXN7) grâce à des ADN antisens. Nous visons à diminuer la production de La protéine anormale.
SDV : Est-ce que les syndromes cérébelleux peuvent avoir d'autres origines ? Parlons du CDG syndrome.
HB : Pour expliquer le CDG syndrome, différentes hypothèses peuvent être avancées. L'hypothèse « erreur de Livraison ». La molécule qui devait être associée avec celle qui est là n'est pas arrivée pour une raison quelconque. La route est-elle coupée ? Pourquoi ?
GS : L'hypothèse « anomalie du développement ». Il y a tellement de gènes et de protéines qui interviennent pour que tout se mette en place... le développement, c'est considérable. C'est à La fois passionnant mais c'est vaste et beaucoup d'acteurs (gènes et protéines) entrent en jeu. Chaque acteur a son rôle et son importance.
Chaque neurone bouge et migre pour aller se mettre en place dans Le cervelet par ex. Il faut déjà qu'ils aient tous leurs machinerie et qu'elles fonctionnent bien, que le neurone lui-même ait ce qu'il faut, qu'il ait des guides Le long de son trajet, tous ces guides doivent être présents ni trop tôt, ni trop tard. S'ils sont présents trop tôt, ils ne servent à rien, s'ils sont présents trop tard, ça ne sert à rien non plus ou cela désorganise la mise en place des neurones. Le timing est très important. Chaque gène doit s'exprimer au bon moment selon ce qu'on appelle une fenêtre d'expression spatio-temporelle.
Chaque neurone bouge et migre pour aller se mettre en place dans Le cervelet par ex. Il faut déjà qu'ils aient tous leurs machinerie et qu'elles fonctionnent bien, que le neurone lui-même ait ce qu'il faut, qu'il ait des guides Le long de son trajet, tous ces guides doivent être présents ni trop tôt, ni trop tard. S'ils sont présents trop tôt, ils ne servent à rien, s'ils sont présents trop tard, ça ne sert à rien non plus ou cela désorganise la mise en place des neurones. Le timing est très important. Chaque gène doit s'exprimer au bon moment selon ce qu'on appelle une fenêtre d'expression spatio-temporelle.
HB : La recherche c'est une enquête de police, on ne peut pas classer le dossier tant qu'il n'y a pas de résultat. Il faut chercher pour trouver les preuves qui confondront le criminel.
GS : J'ajoute que ne pas avoir de résultats, en science, c'est un résultat. Cela signifie qu'il y a quelque chose à comprendre. Il faut bien partir d'hypothèses au départ. Mais l'absence de résultats positifs est importante en science. C'est aussi important, d'ailleurs, qu'un résultat positif.
Complément d'information
Si vous avez des questions à poser à Giovanni Stévanin, n'hésitez pas à nous Les communiquer pour que nous les lui posions la prochaine fois.
Sylvia a écrit
Merci à Mme Bassant ainsi qu'à CSC pour cet article intéressant. C'est bien connu, l'espoir fait vivre !
SVersailles
Sur l'article
Point sur les recherches en cours sur les traitements susceptibles d’agir sur les ataxies spinocérébelleuses
Sylvia a écrit
’Association française contre les myopathies (AFM) nous a appris qu’il est possible de prétendre à des gènes médicaments à plus ou moins long terme à partir du moment où le gène responsable d’une ataxie est identifié.’Association française contre les myopathies (AFM) nous a appris qu’il est possible de prétendre à des gènes médicaments à plus ou moins long terme à partir du moment où le gène responsable d’une ataxie est identifié. Qu'en pense M. Stevanin ? Comment peut-on affirmer cela ?
Merci pour la réponse. SVersailles
Sur l'article
Entretien avec Giovanni Stévanin, Directeur de recherches à l’INSERM et professeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes
hvivet a écrit
Exce?lente information ! Merci CSC !
Sur l'article
RADIAL, un algorithme d’aide au diagnostic.
fregate a écrit
moi frégate je présente des signes cliniques d'essoufflement ,a la marche a l'effort, donc je fais de la kiné respiratoire!!